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Centre de requérent, Argovie (CH)
En Europe, depuis les années 90 environ, on emprisonne les étrangers non désirés qui ne veulent pas rentrer chez eux dans des centres destinés à cet effet. On y enferme aussi ceux dont l'admission dans le territoire n'a pas encore été décidée. Plus généralement, toute personne qui ne veut pas dire qui elle est ou dont l'identité est douteuse peut y être enfermée (en Belgique des ressortissants européens et mêmes des Belges y ont été placés). Tous sont des fauteurs de troubles potentiels.
Dans un centre fermé, tout le personnel doit convaincre les résidents de se laisser rapatrier. Un règlement strict dicte l'occupation du temps et de l'espace et ne laisse aucun choix individuel. Les produits de beauté sont confisqués. Il n'y a pas de miroir. Il leur est impossible d'avoir des activités utiles. Il y a très peu de respect de la vie privée et de l'intimité.
L'isolement médical est utilisé à des fins punitives. Ceux qui ne s'alimentent plus sont considérés comme des manipulateurs [34]. La violence est essentiellement psychique. La plupart des gens ne comprennent pas pourquoi ils sont enfermés.
Les expulsions sont effectuées par des policiers volontaires qui ont en principe suivi des formations [24]. Il y a trois niveaux d'expulsion : le départ sans contrainte, le départ forcé sans escorte, le départ forcé avec escorte (la personne est menottée et elle peut être saucissonnée: poignets et chevilles entravés par des bandes velcro). Il existe aussi des vols aériens sécurisés, spécialement affrétés pour l'expulsion de masse.
Les sans-papiers qui réussissent à infiltrer le continent n'ont aucune réalité officielle. Il leur est interdit de travailler, de se faire soigner, de prendre des cours (de français, par exemple), etc. Être physiquement en Europe ne suffit pas pour faire partie de la vie européenne.
Le mythe qui enveloppe l'Europe, sa démocratie et la liberté, et surtout la richesse et la carrière qu'elle offre, est entretenue dans la tête des futurs immigrants par les représentations médiatisées et idéalisées du continent (télévision, internet, films...). Mais avec le temps, la réalité de la situation des sans-papiers en Europe et de l'accueil réservé aux nouveaux arrivants se répand médiatiquement outre Occident.
L'afflux ne cesse pourtant pas, il augmente, même. C'est qu'on ne veut pas admettre que le rêve n'est qu'un rêve. Ceux qui ne sont pas partis veulent voir de leurs propres yeux, ayant ancré dans leur cerveau l'image des revenants gagnants, ceux qui retournent au bled en voiture décapotable et jettent l'argent par les fenêtres. Les trafics de toutes sortes sont un moyen de réussir, même si souvent on ne le dit pas aux siens. L'autre c'est le bluff. Vivre en Europe neuf mois dans une cave en travaillant 12h par jour, puis revenir au pays, épater la galerie et nier toute souffrance. On préfère gaspiller toute sa vie à simuler le bonheur plutôt que de le chercher ailleurs. A force d'attendre, on n'a plus rien, plus de famille, plus d'espoir. Mais une fois qu'il est entré en nous, on ne peut plus balayer le rêve.