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Lindsay Loan
Ce système, qui est une extension moderne du système panoptique, permet de surveiller le détenu à distance, dans la sphère publique ou privée, depuis un seul ordinateur.
Le pouvoir répressif n'est plus représenté physiquement dans l'espace publique. Il est impossible de se diriger vers lui car il est omniprésent. Tout peut se prêter à être une sorte d'«Â annexe de l'administration pénitentiaire » [31] pendant un temps donné.
Le coupable n'est plus contraint de vivre dans un espace carcéral. Le contrôle n'est plus lié avec l'espace tridimensionnel [22]. Contrôler une personne, c'est posséder les informations qui la caractérisent, qui décrivent son identité. C'est trier et analyser en temps réel ces données et s'assurer qu'elles correspondent bien à la définition programmée de cet individu. Les informations sont aussi enregistrées et stockées pendant environ une dizaine d'années.
Le système GPS utilisé pour détecter le bracelet vérifie chaque seconde que le détenu se trouve bien dans son champ spatio-temporel autorisé. Si ce n'est pas le cas, une alarme se déclenche dans l'instant chez les autorités. Il représente un danger potentiel. Si le fauteur ne retourne pas de lui-même à sa bonne place, les autorités peuvent immédiatement le contacter sur son téléphone mobile pour lui demander des explications.
Le système est adapté à son style de vie (maison, formation, traitement médical, famille...) et peut être négocié pour correspondre le mieux possible aux aspirations autorisées du détenu. Si le détenu intègre les normes qui sont les siennes, s'il arrive à les oublier parce qu'elles satisfont ses désirs essentiels, alors il peut vivre tout à fait agréablement.
La privation de liberté devient une sorte d'optimisation surveillée des libertés selon le profil de chacun. Ce système de contrôle paraît naturel, il est automatique, il colle à la peau. Il est aussi des moins coûteux à long terme. Il permet à la fois d'utiliser pleinement le potentiel que représente cet individu pour la société et d'accroitre sa docilité (Foucault cité dans [28]).
Si le sujet reste dans son «Â milieu naturel », l'espace et le temps n'en sont pas moins redéfinis. Des murs invisibles se superposent à l'espace physique et en redéfinissent son utilisation. Le redressement est opéré directement au sein des habitudes du criminel. Les «Â anormalités de son comportement » sont «Â repérées afin de mieux le réinsérer dans la société » [28].
Le détenu est seul face à sa peine, il n'est pas regroupé avec des personnes auxquelles sont imposées les mêmes limites et avec qui il pourrait se comparer ou s'allier. En outre, il préfère souvent cacher son bracelet à son entourage. Il est presque le seul à connaître l'emplacement des limites. En même temps, le détenu n'est jamais seul : il est surexposé et il lui est impossible de se cacher. Il y a dichotomie entre la situation du sujet et la situation de son entourage. Ceci est sûrement une des raisons qui explique le fait que certains détenus refusent le bracelet électronique et préfèrent rester en prison.
Ainsi le sujet n'est pas seulement puni, il est placé dans une situation dans laquelle il ne peut pas agir mal, car il serait immédiatement mis à nu par les autorités et/ou par ses proches. On passe «Â d'un système de sanction orienté sur l'incarcération à un système de sanction défini par l'auto-discipline » (OFS, office fédéral des statistiques suisse cité dans [33]). Mais le malfrat n'a plus à avoir une soudaine prise de conscience. Sa conscience est devancée par un système de surveillance.
Des spécialistes font remarquer que l'adoption du bracelet électronique comme peine alternative n'a pas grande influence sur le nombre d'incarcération ferme [21] et [31]. Alors qu'on a très peu recours à la libération conditionnelle ou à la semi-liberté, la mise en place du système de surveillance électronique permet de garder sous la main des personnes qui n'auraient sinon pas fait l'objet d'une mise à exécution de leur peine. Par exemple, en France, entre avril 2010 et avril 2011, le nombre de condamnés placés sous surveillance électronique a augmenté de 33%, les condamnés sans aménagement de 3,4% [12]. La population écrouée totale est passée de 67 757 à 71 913 personnes tandis que les condamnés en placement extérieur non hébergés, hébergés ou les condamnés en semi-liberté ont diminué de respectivement -8,8 %, -16,8%, -5,6%. Ces dernières peines permettent pourtant souvent un suivi plus adapté et une meilleure réinsertion.